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Benoît Drouin : « On a basé notre système sur la recherche de valeur ajoutée et les économies de charges »

Un tiers de la production laitière de Benoît Drouin est transformée à la ferme et valorisée autour d’1,50€ le litre. Le coût alimentaire se situe autour de 50 €/1000 litres.

À Rouez-en-Champagne (Sarthe), Benoît Drouin élève des poulets fermiers et 65 vaches laitières en bio. Il a fait le choix de miser sur la valeur plutôt que le volume. Un système autonome et économe en charges, une ferme résiliente.

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« Ou tu fais du volume, ou tu fais de la valeur ». Cette maxime, Benoît Drouin se l’est appropriée dès son installation en 2002 sur la ferme familiale et en a fait une ligne de conduite. Il l’a expliqué à la trentaine de visiteurs venus découvrir son système, lors d’une récente journée organisée par la jeune association Les Voix agricoles et Planet Score.

L’éleveur sarthois a donc choisi de créer de la valeur plutôt que faire du volume. De toute façon, il n’avait guère le choix : ici le blé ne produira jamais 80 quintaux. En conventionnel, ça plafonne tout au plus à 65 q, et 40 q en bio. Nous sommes en terres crayeuses, celles de Rouez-en-Champagne, rien à voir avec la Champagne où l’on produit le précieux vin effervescent. Cette champagne sarthoise, à l’ouest du Mans, est plus modeste.

« On a une particularité géologique et géographique, nous sommes à la jonction du bassin parisien et du massif armoricain, sous nos terres il y a un amas sulfuré et des métaux rares, notamment de l’or », développe l’ancien salarié de Véolia, chimiste de formation. Mais « quand on fait de l’agriculture, ce n’est pas évident ». Il ne faut pas chercher à produire à tout prix, il faut faire avec ce que l’on a », professe encore Benoît Drouin.

« Ramener de la valeur »

L’éleveur mise sur la valeur ajoutée : poulets fermiers de Loué en bio, production laitière bio avec transformation d’une partie du volume en vente directe. « Mon souhait initialement n’était pas forcément de faire de la bio, mais je voulais un système qui soit le plus autonome possible. » Il y vient finalement quelques années après son installation : « On avait un système bien en place, on produisait comme les bios, mais la valorisation du lait n’était pas suffisante. » Les volailles étaient déjà bio depuis 10 ans. Au milieu des années 2000, c’est toute l’exploitation qu’il convertit.

La transformation à la ferme, pour « ramener de la valeur » commence en 2011, d’abord dans la cuisine puis dans un labo autoconstruit. « L’idée était de mieux valoriser le lait, avec aussi l’envie d’avoir une ruralité plus vivante avec plus d’emplois, c’était un défi qui m’intéressait. » Son épouse, qui a quitté son emploi à l’hôpital du Mans prend en charge cet atelier. La Ferme Tout-Joly passe de trois à cinq actifs. Aujourd’hui, 110 000 litres sont vendus à la ferme, au Super U et à Biocoop, soit un peu plus d’un tiers du volume total. Le litre de lait transformé à la ferme en fromage lactique, beurre ou crème, est vendu autour de 1,50 à 1,60 € le litre, soit trois fois plus cher que celui livré à Biolait.

La réflexion de l’éleveur porte aussi sur la race de ses vaches. Il commence par remplacer les Prim’Holstein par des Brunes pour les taux, puis fait quelques croisements avant de finalement tout passer en Normande en 2015. « J’avais deux objectifs, la fromageabilité du lait et la digestibilité », explique-t-il. Et c’est selon ces deux critères qu’il fait désormais ses choix de sélection génétique. « La recherche de la valeur, toujours. » Son lait est livré actuellement à 47 de matière grasse et 36 de TP, la moyenne est généralement autour de 44/34. Ses vaches produisent autour 6 000 kg selon les années. « Avec ces critères on y perd forcément sur le volume. »

Un système autonome économe en charges

La cohérence de son système repose aussi sur les économies de charges. « Ici il y a un potentiel herbager, il vaut mieux élever des moutons ou des bovins que produire des céréales », insiste l’éleveur. Sur ses 130 hectares de SAU, 80 sont en prairies, essentiellement pâturées. Les vaches sont à l’herbe de février à Noël, parfois même jusqu’en janvier. « Les bovins produisent du fumier qui fertilisent ces terres, on transforme un handicap en avantage. » Ses 65 vaches produisent 350 000 à 400 000 litres par an, « c’est l’année fourragère qui décide ». L’herbe pâturée, c’est 50 % de la ration. Tout cela exige de la rigueur. « Je suis très à cheval sur la gestion de mes prairies, à l’entrée de l’hiver et au printemps, je déplace mes fils matin et soir pour avoir le moins de refus de qualité. » Les prairies naturelles regorgent naturellement de trèfle, c’est une chance. « La qualité des prairies dépend du pâturage et de leur entretien, c’est-à-dire l’alternance entre pâture et fauche, détaille l’éleveur. Je ne fais jamais d’analyse de fourrage, la meilleure analyse, c’est la vache qui me la donne. »

« Il faut raisonner sur la marge et la valeur, répète-t-il. Pour payer 2, tu peux vendre 10 et avoir 8 de charges ou bien vendre 4 et avoir 2 de charges. » Les vendeurs d’intrants et d’aliments et autres conseillers qui défilaient sur l’exploitation n’ont pas tardé à déserter les lieux, quand Benoît Drouin s’est installé il y a un peu plus de vingt ans. Pour l’alimentation de ses laitières, il n’achète plus rien à l’extérieur sauf les pierres de sel. Le concentré, mélange de triticale épeautre et féverole, est entièrement produit à la ferme. « Le seul camion qui passe ici pour l’atelier lait, c’est celui de Biolait. » Son coût alimentaire se situe autour de 50 € les 1 000 litres. « Je suis à 53 € cette année, les très bonnes années herbagères, je descends à 45 €. » Et quand on réduit les concentrés, on réduit toute la mécanisation et donc le temps de travail. « Je ne consomme que 8 000 litres de fioul par an sur mes 130 hectares », se félicite l’éleveur.

L’exploitation a un produit de 650 000 à 700 000 € (dont 40 000 de primes Pac). L’EBE se situe autour de 250 000 € pour un résultat qui oscille selon les années entre 10 000 et 60 000 €. Le couple peut se prélever chacun 2 000 euros par mois. « Ce n’est pas assez, on a quatre enfants, regrette Benoît Drouin. Mais mon système est quand même à peu près résistant aux aléas économiques. »

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